Tout savoir sur l’acquisition d’un bien immobilier en France depuis la Suisse

Vous avez un coup de cœur pour un bien immobilier situé en France et vous souhaitez connaître les principales conséquences fiscales de cette acquisition ? Nous vous présentons quelques éléments patrimoniaux à prendre en compte pour mener à bien votre réflexion.

Les conventions fiscales

 

L’investissement en France par un résident fiscal de Suisse peut générer une fiscalité en France et en Suisse. Les doubles impositions en matière d’impôt sur le revenu et d’impôt sur la fortune peuvent être éliminées en appliquant la convention fiscale internationale conclue entre la Suisse et la France. Cette convention ne peut cependant, en principe, être invoquée que par les résidents de Suisse imposés au rôle ordinaire. 

En revanche, il peut exister un risque de doubles impositions en matière de droits de donation et de succession dans la mesure où il n’existe pas de convention fiscale en vigueur entre la France et la Suisse en la matière. Cette dernière a été dénoncée en 2015. Il est donc important d’être conseillé pour limiter les situations de doubles impositions.

Les frais liés à l’acquisition

 

Même si l’acte d’acquisition est réalisé à l’étranger, l’acquéreur devra s’acquitter en France des frais de notaire (de l’ordre de 2 %) ainsi que des droits d’enregistrement (de l’ordre de 5,80 % du prix d’acquisition).

Impôts locaux

 

La détention de biens immobiliers en France entraîne l’assujettissement à des impôts locaux, notamment :

  • la taxe foncière : elle est due par tout propriétaire d’un immeuble bâti ou non bâti. 
  • la taxe d’habitation : elle est également due par toute personne physique ou morale qui a la disposition ou la jouissance de locaux d’habitation (en qualité de propriétaire, de locataire ou à tout autre titre).

L’impôt sur le revenu

 

Il convient de distinguer selon que le bien immobilier est à la disposition de son propriétaire ou locatif. 

Résidence secondaire – aspects franco-suisses

La détention d’une résidence secondaire en France n’engendre aucune conséquence au regard de l’impôt sur le revenu en France. 
En revanche, l’administration fiscale suisse tiendra compte de la valeur locative du bien en France pour la détermination du taux d’imposition sur le revenu en Suisse. 

Résidence locative – aspects français

La convention fiscale conclue entre la Suisse et la France en matière d’impôt sur le revenu donne à la France le droit d’imposer les revenus fonciers des biens immobiliers situés sur son territoire.

Si le bien immobilier non meublé détenu en France est loué, le revenu net locatif (loyers – intérêts d’emprunt – charges) sera imposé en France au barème progressif de l’impôt sur le revenu1 dans la catégorie des revenus fonciers avec application d’un taux minimum d’imposition de 20 % sur la fraction du revenu net imposable inférieure ou égale à 25 710 € et de 30 % au-delà2

A l’impôt sur le revenu, s’ajoutent un prélèvement de solidarité au taux de 7,5 % lorsque le contribuable relève, sans être à la charge d'un régime obligatoire français de sécurité sociale, d’un régime obligatoire de sécurité sociale suisse3 et, le cas échéant, la contribution sur les hauts revenus4.

Il s’ensuit qu’en France, le taux minimum d’imposition est de 27,5 % et le taux maximum d’imposition peut aller jusqu’à 56,5 %.

En cas de location meublée5,  les revenus nets sont également soumis à l’impôt sur le revenu au barème progressif mais dans la catégorie des Bénéfices Industriels et Commerciaux (BIC). Ce régime permet de bénéficier d’une déduction supplémentaire : l’amortissement du bien immobilier. Il matérialise le vieillissement de l’immeuble et a pour avantage d’écraser fortement, voire de supprimer la base imposable en France. Les revenus nets supporteront également les prélèvements sociaux dans les mêmes conditions que les revenus fonciers et, dans certains cas, des cotisations sociales.

Résidence locative – aspects suisses

Côté Suisse, la même méthode que celle décrite pour les biens immobiliers non loués s’applique. La Suisse tient compte des revenus de source française pour la détermination du taux d’imposition. 

Cela signifie que si le résident fiscal suisse est d’ores et déjà taxé en Suisse au taux marginal, cette acquisition en France n’aura pas d’impact. Dans la négative, cette acquisition augmentera le taux d’imposition sur le revenu en Suisse. Il convient de préciser que dans l’hypothèse où l’acquisition se fait au moyen d’une dette bancaire, les intérêts seront déductibles des revenus français participant au calcul du taux d’imposition suisse.

Outre son intérêt économique et financier, on constate que le recours à l’emprunt bancaire permet, que ce soit pour la fiscalité française ou suisse, de déduire les intérêts de la dette. Cela réduit la base imposable française et le taux d’imposition suisse.

L’impôt sur la fortune

 

La convention fiscale conclue entre la Suisse et la France porte également sur l’impôt sur la fortune et donne à la France le droit d’imposer les biens immobiliers situés sur son territoire. 

L’impôt sur la fortune en France

L’impôt sur la Fortune Immobilière (IFI) français est dû lorsque la valeur nette des actifs immobiliers situés en France excède le seuil d’imposition de 1 300 000 €. 
L'IFI est calculé, pour les non-résidents fiscaux de France, sur la valeur nette du patrimoine immobilier situé en France, selon le barème progressif suivant :

  • entre 0 et 800 000 € : 0 %
  • entre 800 000 € et 1 300 000 € : 0,5 %
  • entre 1 300 000 € et 2 570 000 € : 0,7 %
  • entre 2 570 000 € et 5 000 000 € : 1 %
  • entre 5 000 000 € et 10 000 000 €  : 1,25 %
  • au-delà de 10 000 000 € : 1,5 %

Exemple IFI France

  • Patrimoine net taxable de 2 M€ : IFI = 7 400 €
  • Patrimoine net taxable de 5 M€ : IFI = 35 690 €
  • Patrimoine net taxable de 10 M€ : IFI = 98 190 €

La déductibilité des dettes en matière d’IFI

Les dettes contractées pour l’acquisition des biens immobiliers en France sont déductibles, ainsi que celles permettant de financer des travaux.

Les prêts in fine (remboursement du capital à terme) subissent un amortissement linéaire théorique sur leur durée, limitant ainsi la déductibilité de la dette. Cette limite permet finalement d’appliquer un traitement équivalent entre les dettes in fine et amortissables.  Enfin, les dettes déductibles peuvent, selon la situation, être plafonnées lorsque le montant du patrimoine immobilier taxable situé en France est supérieur à 5 M€.

L’impôt sur la fortune en Suisse

La Suisse n’impose pas les biens immobiliers situés en France. En revanche, elle tient compte de leur valeur pour la détermination du taux d’imposition. Comme pour l’impôt sur le revenu, l’acquisition en France peut donc avoir un impact sur l’impôt suisse puisqu’elle augmente le taux d’imposition. Cependant, le montant du crédit permettant d’acquérir le bien français est déductible de la fortune prise en considération pour la détermination du taux d’imposition.

Comme le bien immobilier français n'est pas soumis à l'impôt sur la fortune en Suisse et, comme la dette ayant permis cette acquisition en France est partiellement déductible de la fortune imposable en Suisse, l'acquisition en France à crédit diminue le montant de l'impôt sur la fortune en Suisse.

Cas pratique

 

Hypothèse de départ

Monsieur X est âgé de 68 ans.

Il est résident fiscal de Suisse (imposé au rôle ordinaire, canton de Genève). 

  • Propriétaire en Suisse d’un bien immobilier, valorisé 3 MCHF auquel est adjoint une dette de 2 MCHF. 
  • Il dispose également de placements financiers de 3 MCHF. 

Il se porte acquéreur d’une résidence secondaire en France pour 3 M€6.

Le recours à l’emprunt en France

Les calculs d’IFI qui suivent sont établis sur une durée de 10 ans avec ou sans emprunt, dans l’hypothèse où le bien ne prendrait pas de valeur.

  • En l’absence de financement bancaire : IFI France sur 10 ans = 157 K€7 
  • Avec un emprunt bancaire in fine sur 10 ans : IFI France sur 10 ans = 41 K€8

Le recours à l’emprunt en Suisse

Dans l’hypothèse où le bien ne prendrait pas de valeur, l’impôt sur la fortune suisse serait identique pendant 10 ans. 

  • Avant acquisition de l’immeuble en France : IF Suisse annuel = 24 KCHF9
  • Après acquisition de l’immeuble en France et via l’endettement bancaire : IF Suisse annuel = 17 KCHF10

Le recours à l’emprunt pour acquérir un bien immobilier en France permettra de limiter l’impôt en Suisse et en France.

En conclusion

 

Au-delà de l’effet fiscal de l’endettement bancaire, ce dernier permet d’obtenir une rentabilité des actifs financiers qui dépasse le coût du crédit.

Dans tous les cas, chaque situation mérite d’être étudiée précisément et, si possible, en amont de l’acquisition pour choisir la meilleure solution en fonction de ses intérêts économiques, sa situation personnelle et familiale et ses projets à court et long terme.

L’acquisition via une société civile française ou une société étrangère peut également présenter certains avantages, notamment pour organiser la transmission que nous ne traitons pas ici.

Société Générale Private Banking (Suisse) SA vous accompagne, aux côtés de vos conseils, pour mesurer les conséquences fiscales d’un tel investissement tout en tenant compte de votre situation personnelle et de vos objectifs patrimoniaux.

 

Anne Caron, Ingénieur patrimonial, Société Générale Private Banking (Suisse) SA

anne.caron(@)socgen.com

0041 79 886 33 07


1 Dont le taux marginal est de 45%.

2 Le taux minimum d’imposition n’est pas applicable si le non-résident fiscal de France justifie que le taux moyen, qui résulterait de l’imposition en France de l’ensemble de ses revenus de source française et étrangère, serait inférieur à ce taux minimum. En pareil cas, c’est ce taux moyen qui est retenu pour le calcul de l’impôt exigible sur les seuls revenus de source française.

3 Dans le cas contraire, le taux des prélèvements sociaux est de 17,2 %.

4 3 % pour des revenus supérieurs à 250 K€ pour une personne seule (500 K€ pour un couple), 4 % pour les revenus supérieurs à 500 K€ pour une personne seule (1 000 K€ pour un couple).

5 Ce dispositif nécessite de respecter quelques règles qui ne sont pas développées dans cet article.

6 Pour simplifier les calculs, le taux de change est arrondi à 1 pour 1.

7 Base imposable = 3 M€

8 Base imposable année 1 = 3 M€ - dette d’acquisition déductible (3 M€) = 0 €

Base imposable année 6 = 3 M€ - dette d’acquisition déductible (3 M€ x 5/10) = 1,5 M€

Base imposable année 11 = 3 M€ - dette d’acquisition déductible (3 M€ x 0/10) = 3 M€

9 Base imposable = Bien immobilier (3 MCHF) – Dettes (2 MCHF) + liquidités (3 MCHF) = 4 MCHF

Base pour calcul de taux = identique

IF = 24 KCHF (source Tax Ware)

10 Base imposable = Bien immobilier en Suisse (3 MCHF) – Dettes ((2 MCHF + 3 MCHF) x (3 MCHF + 3 MCHF) / (3 MCHF + 3 MCHF + 3MCHF) + liquidités (3 MCHF) = 3 MCHF – 5 MCHF x 66,66 % + 3 MCHF = 2,7 MCHF

Base pour calcul de taux = Bien immobilier en Suisse (3 MCHF) + Bien immobilier en France (3 MCHF) – Dettes (2 MCHF + 3 MCHF) + liquidités (3 MCHF) = 4 MCHF