La Chambre
Histoire d’une implantation réussie : témoignage de Decathlon Suisse

Trois tentatives avant d’atteindre le sommet. L’enseigne a trouvé la bonne voie en ajustant sa trajectoire...
Voici l'histoire de Decathlon en Suisse, témoignage recueilli lors de notre 19ème Forum sur l'Implantation en Suisse le 5 novembre dernier.
Il y a des sommets qu’on ne gravit pas du premier coup.
L’histoire de Decathlon en Suisse en est la preuve : deux échecs, une leçon d’humilité, et une réussite éclatante fondée sur la patience, la compréhension et l’adaptation.
Le pari d’un pays “proche mais pas pareil”
“Ce pays a beau parler français, ce ne sera pas si simple.”
La phrase, prononcée par le fondateur de Decathlon lors de la première tentative d’implantation, résume à elle seule la complexité du marché suisse. Derrière la langue commune, des cultures, des codes et des rythmes radicalement différents.
La Suisse n’est pas un petit marché homogène, mais une mosaïque de 26 cantons, chacun avec sa mentalité, ses usages, ses règles. Un mini-continent fédéral où la précision prévaut sur la précipitation.
Quand Decathlon revient à la charge, Adrien Lagache et ses équipes ont retenu la leçon : cette fois, pas question de plaquer un modèle tout fait. Il faut “penser suisse, agir local”.
Neuchâtel, ou l’art de commencer petit… pour voir grand
Oubliez les ouvertures spectaculaires de 3 000 m² et les parkings géants.
Le premier magasin Decathlon suisse s’est ouvert à Neuchâtel, discrètement, dans le canton le plus exigeant du pays en matière de droit du travail.
Un choix audacieux — presque provocateur.
Mais c’est là que s’est joué le succès : un ancrage local fort, une écoute du marché, et une adaptation immédiate aux particularités helvétiques, jusque dans les détails :
“Ici, les serviettes, ça s’appelle des linges, et on paie avec une PostCard, pas une CB.”
Résultat : en quelques mois, Decathlon devient une enseigne attendue, accueillie, intégrée. L’humilité a payé.
Un partenariat décisif : quand la montagne se gravit à deux
La véritable accélération viendra d’un partenariat stratégique avec Athleticum, enseigne suisse historique appartenant au groupe Maus Frères.
Plutôt que de s’affronter, les deux acteurs décident de s’unir.
Ce rapprochement — inédit pour Decathlon — est un pari risqué mais visionnaire.
Les emplacements sont repensés, les équipes locales conservées, les cultures fusionnées.
“On n’a pas cherché à conquérir la Suisse, on a cherché à la rencontrer.”
En 15 mois, 22 magasins sont ouverts ou transformés. Un exploit logistique et humain.
Decathlon passe de l’expérimentation à la présence nationale.
Les clés d’un succès helvétique
Ce qui a fait la différence ?
Adrien Lagache le résume en quatre piliers simples, mais exigeants :
L’humilité : comprendre avant d’agir, écouter avant de vendre.
L’excellence opérationnelle : chaque détail compte, du site e-commerce à la signalétique.
La proximité : une implantation “canton par canton”, avec des directeurs locaux enracinés dans leur communauté.
L’agilité : la capacité à réagir en heures, pas en semaines.
Et derrière tout cela, une conviction : le bien-être des collaborateurs est la meilleure boussole de la performance.
Decathlon Suisse est aujourd’hui labellisée Great Place to Work (2024), avec plus de 1 300 collaborateurs et 46 magasins à fin 2025.
“Ne pas posséder, mais partager” : comprendre le consommateur suisse
Le consommateur helvétique a une philosophie unique : il n’a pas besoin de posséder pour être heureux.
Dans un pays où la location, le leasing et les clubs sont la norme, Decathlon a compris que la clé n’était pas la propriété, mais l’accès à la pratique du sport.
D’où un modèle centré sur l’usage, la proximité et la fidélité :
“93 % des Suisses sont membres d’un club. Notre mission est simple : devenir leur meilleur partenaire de sport.”
La leçon Decathlon
Ce n’est pas une success story linéaire, mais une ascension patiente et réfléchie, ponctuée de chutes, d’ajustements et d’apprentissages.
L’entreprise qui pensait ouvrir un magasin est devenue un acteur du sport suisse, enraciné dans son paysage économique et culturel.
Et si cette réussite inspire tant, c’est parce qu’elle nous rappelle qu’en Suisse, comme en montagne, le sommet se mérite toujours — mais la vue en vaut la peine.